Bonjour femme!, bonjour mère!, bonjour objet ! Mais qu’est-ce que c’est que ce type de relation où l’humain et l’inhumain se regardent, se confrontent pour trouver tout de même, malgré tout, une façon de vivre ensemble, malgré l’impossible configuration ainsi créée? C’est effarant et doux.
Le sens trébuche dès la première phrase du roman miniature de la page 83 de l’étrange livre de Giorgio Manganelli Centurie (Adelphi Edizion, 1995 ; trad. J.-B. Para, éditions cent pages, 2015). « Une femme a accouché d’une sphère.» Et la femme adopte cette progéniture surprenante (une sphère de vingt centimètres de diamètre) dont elle tire un sentiment inédit qui à la fois décentre et accroît son statut de mère.
C’est cette surprise et son imbrication insaisissable qui se distille pour nous dans les œuvres de ces artistes.
Arnaud Vasseux est invité à créer une installation spécifique pour l’espace de cette exposition collective. Ses interventions et ses sculptures, construites sur place, considéreront autant le lieu et l’espace que les différentes oeuvres des trois autres artistes invité-es. Quelles transformations du temps vont murmurer les gestes et les matériaux convoqués (matériaux pour la plupart d’origine industriels) ? Les tensions mises en jeu autant à l’intérieur des sculptures qu’entre les choses traverseront des états distincts de fragilité. Est-ce notre fragilité? Est-ce celle de l’époque, celle de la matière ou encore celle de la terre? Par les bords et les tranchants, l’explosion ou le fragment, naît une inquiétude qui pourrait bien rejoindre celle qui traverse les 100 romans de Centurie.
Sébastien Arrighi, dont les préoccupations sont plutôt orientées sur les questions du paysage en photographie, a réalisé un hommage à la tradition photographique américaine autour du site emblêmatique de Tonopa. Il a utilisé le jeu vidéo GTA. Le travail photographique, la recherche du cadrage, des composantes de l’image, s’est effectué dans l’univers virtuel selon les mêmes conditions qu’une approche photographique argentique. L’espèce de respiration des plans, le halo bombé qui donne vie à ces images, leur courbure onirique et nocturne, c’est tout ce qui constitue le charme précis de Simile.fr.
Laure Couradette semble disperser les fragments d’une même matière onirique au travers d’une pratique disparate qui mobilise aussi bien dessins, textes, photographies, vidéo, peintures ou éditions.
Au bout du parcours, il y aura La Chambre du fleuve de Suzanne Hetzel, comme une porte de l’Infini où le chemin de l’exposition s’arrêtera et s’ouvrira sur l’Ailleurs. Pour cette vidéo contemplative, fascinante, qu’elle a réalisée en Camargue mais qui oscille dans les zones de l’imaginaire et de l’irréel, elle prend comme support sonore une musique d’Eliane Radigues, qui plonge dans les mêmes effets de suspensions, et sur cette petite rivière déferlent des sortes d’astronefs en bois, le haut et le bas ne cessent de s’entrelacer, le flux emporte tout.