MP 2018 | Quel Amour ! DES HISTOIRES D'AMOUR A MARSEILLE
- du 16 février au 30 juin 201810h00
Projet de photographie autour de la thématique de Gyptis et Protis, par l’artiste Yohanne Lamoulère, issue de la commande publique du CNAP sur la Jeunesse.
• Tarif(s) :
Entrée libre
Entrée libre
« Il est 23h et il faut arrêter les gens. On ne dit pas assez : tu es beau à regarder. On ne fait pas honneur aux visages. On court, on ne s’arrête jamais. L’amour ça vient en disant : attends, arrête, ne bouge pas. Ne bouge plus. Il faudrait arrêter les gens dans la rue. On peut passer une vie sans dire à personne de ne plus bouger et alors, on passe à côté. Yohanne Lamoulère fait découvrir l’amour à ceux qu’elle photographie. Elle dit : ne bouge pas. Alors le jeune Heddy dans le Nord de Marseille domine les éléments, les bâtiments, le temps.
Yohanne Lamoulère met les corps, les gens et les bâtiments au-dessus du temps. C’est comme si chacun pouvait voir sa vie : de cet endroit-là, en suspens, il y a tous les lieux et tous les âges. Il y a ce qu’on aurait pu devenir. Il y a la ville qui peut disparaître. Il y a du possible. Ce n’est pas de l’immersion, Yohanne Lamoulère n’est pas en "immersion", elle est dans la vie tout court. A ceux à qui on a confisqué la réalité, à ceux à qui on raconte à longueur de journée qui ils sont, où ils vivent, ce qu’ils doivent faire, elle redonne le regard. Elle dit : arrête, je te regarde. Elle considère. Elle réinvente ce temps qui n’existe plus. Elle cherche cette chose archaïque qui sonne désuet : la compagnie des gens. Elle appelle ça : le patrimoine humain. Elle cherche : ce moment adolescent où la naïveté se bat avec la réalité. Elle sait qu’on a réduit les enfances. L’enfance avant se mesurait en années, elle osait parfois s’étirer jusqu’à la majorité. L’enfance elle disparaissait un soir de fête, un jour de diplôme ou de déménagement loin des parents. On avait le temps de faire ses adieux. Maintenant l’enfance s’en va devant la télévision un soir de JT, face à des informations qui donnent envie de fuir. Yohanne Lamoulère redonne force à une génération qui ne croit plus à l’orientation qui leur bloque l’horizon. Elle capte l’intranquillité. Elle capte la beauté. Elle dit : tu es beau. Tu peux t’aimer. Elle dit : je suis photographe, ça va plus vite, c’est pratique, pour ne pas dire : je fais découvrir l’amour. Elle dit : ne bouge pas, ne bouge plus, à ceux qu’elle croise dans la rue et qui après avoir été pris en photographie, seront un tout petit peu plus armés pour aimer. »
Aurélie Charon / France Culture