Vite, des cabanes. Pas pour s’isoler, vivre de peu, ou tourner le dos
à notre monde abîmé ; mais pour braver ce monde, l’habiter autrement, l’élargir.
Marielle Macé les explore, les traverse, en invente à son tour. Cabanes élevées sur les ZAD, les places, les rives, cabanes de pratiques, de pensées, de poèmes. Cabanes bâties dans l’écoute renouvelée de la nature – des oiseaux qui tombent ou des eaux qui débordent –, dans l’élargissement résolu du « parlement des vivants », dans l’imagination d’autres façons de dire nous.
« Pour moi, le mot cabane s’est mis à définir cela : tout ce qui se construit, dans toutes sortes de territoires, pour accuser l’état des choses et réinstaller de la vie, braver ces précarités. Ce mot peut soutenir des élans, des désirs, une force d’invention. Le travail de l’écriture, j’aimerais que ce soit ça : pas exactement contrôler le sens des mots, les empêcher de dériver, mais intensifier des convictions, repeupler les imaginaires. J’essaie de concevoir l’écriture comme un effort pour s’armer, s’équiper, soutenir en nous l’amour de la vie, réfléchir à ce qu’il nous faut collectivement protéger pour préserver cet amour de la vie. »
– Entretien avec Marielle Macé dans Libération (mars 2019)
« Nouons-nous ; cette formule emporte, entraîne, elle a la justesse du poème, infaillible. On y reçoit le « nous » comme une sorte d’appel : oui, faisons-le, nouons-nous ! Le pronom y devient une modalité du verbe, que l’on juge de beaucoup de manières : nous-ons, accomplissons des « nous », nouons encore, imaginons d’autres façons d’être à plusieurs, de se lier, de se toucher, peut-être juste de se frôler… On y entend que dans le mot « nous » quelque chose (mais quoi au juste ?) se noue, doit se nouer et pourra donc aussi bien se dénouer ; on se dit que « nous » est une affaire de liens, d’attachements, de mêlements, d’interdépendance et d’arrachements, et de démêlements et de dénouements – plutôt que d’appartenance ou d’identification. On devine que penser et éprouver le « nous » amoureux n’est peut-être pas inutile à une pensée du commun, autrement dit que le « nous deux » d’amour (le « nous deux encore » de Michaux) pourrait, si on l’écoute, s’élargir en collectif, s’infinir en politique. (On se dit d’ailleurs aussi qu’avec les Noues « nous » pourrait se décliner au féminin, pour noues les femmes.) »
– Marielle Macé, Nos Cabanes
Nos cabanes est publié chez Verdier
Parution : mars 2019